« C’est ma famille qui me permet de m’en sortir »
LA PAROLE AUX PROCHES - Georgina fait partie de ces femmes aux épaules solides avec qui la vie n’a pas toujours été tendre. Elle a su pourtant tenir debout et rester positive. Son secret ? Une famille déjantée mais surtout soudée, une maison remplie d’amour et un réseau d’aide qu’elle a dû construire. Rencontre avec la maman de Julien.
De gauche à droite: Charlotte, Viincent, Sébastien, Julien, Georgina et Florian
Georgina, Julien et toute la famille
C’est avec le sourire que Georgina nous accueille dans la maison familiale de Villars-Burquin. Son accent nous donne un indice : Georgina vient d’Angleterre. « J’y ai rencontré Vincent il y a plus de 20 ans. Il était venu parfaire son anglais et…j’étais sa prof ! ». Elle décide de le suivre en Suisse.
Georgina nous présente sa famille. Il y a donc Vincent, le mari. Sébastien, l’aîné, 21 ans et Charlotte, 17 ans. Et puis il y a les jumeaux, Julien et Florian, 13 ans. L’arrivée des deux garçons dans la famille n’a pas été simple. Une complication appelée « syndrome du transfuseur-transfusé » vient jouer les trouble-fête avant la naissance. Il a fallu opérer in utero. Florian s’en sort bien, pas Julien. « Il n’a pas reçu assez d’oxygène durant l’opération, ou même peut-être avant. Résultat : un quart de son cerveau ne fonctionne pas. » Julien est comme enfermé dans son corps : il ne peut ni parler, ni marcher. Pourtant, le reste de son cerveau fonctionne à mille à l’heure. Il aime bouger, adore les sensations fortes et veut vivre à fond.
Georgina se rappelle : « Il a fallu rapidement prendre une décision. Mais pour nous, le choix était évident : nous voulions garder en vie nos deux garçons. » Il faut dire que le couple n’en est pas à sa première difficulté. Emmanuelle est née quelques années auparavant avec une trisomie 21 et des complications cardiaques. Elle ne survivra pas. Pas question de perdre un second enfant.
Un conseil? Demandez de l'aide!
De retour à la maison, les tracas s’enchaînent. « Je n’ai pas voulu faire la même erreur que lorsqu’Emmanuelle est née : j’ai demandé de l’aide. Un conseil ? acceptez toute l’aide que vous pouvez avoir ! » C’est Patricia, l’assistante sociale du Service des Besoins spéciaux de la petite enfance (BSPE), qui leur sauve la vie. C’est elle qui met en place l’aide du Centre Médico-Social (CMS) pour soulager la famille lorsque Julien ne dort plus. Qui les aide à trouver un nouveau logement ou une voiture adaptée.
Lorsque Julien a sept ans, l’accompagnement du BSPE prend fin. Coup dur. C’est auprès du CMS que Georgina trouve de l’aide. Elle apprend qu’il met à disposition des familles gratuitement une « personne ressource Proche-Aidant ». Cette personne les aide à démêler la situation. Et trouve pour chaque problème une solution. « Marylène - une femme en or ! - intervient en temps de crise. Lorsque les crises d’épilepsie de Julien se sont aggravées, elle nous a aidés à demander à notre employeur les jours de « congé proche aidant » auxquels nous avions droit. »
La voie de l’institution, une erreur de parcours
Il y a quelques années, Julien a intégré une école spécialisée. « Tout est parti en vrille », raconte Georgina. Puisque tout est pris en charge par l’école, la famille perd le droit aux séances de logopédie. Il perd ses mots, régresse dans sa capacité de manger. « Julien arrivait souvent à la maison sans avoir ni mangé, ni bu de la journée car le personnel n’arrivait pas à le nourrir dans les 45 minutes accordés par l’AI. » Il commence à avoir des crises d'épilepsie. « Cette école n’était pas du tout adaptée », poursuit sa maman.
Aujourd’hui, Julien va à l’école publique tous les matins, accompagné d’une aide à l’intégration. Grâce à la contribution d’assistance de l’assurance-invalidité (AI), la famille peut engager l’aide dont il a besoin à la maison. Beaucoup d’intervenants gravitent autour de Julien. Pas toujours facile d’avoir un peu d’intimité à la maison. Georgina nous montre le classeur coloré qui leur permet, à elle et Vincent, de faire le suivi des heures pour chacune des personnes engagées. Un vrai casse-tête en fin de mois : en tout, c’est une dizaine de personnes qui s’occupe de Julien. Le plus difficile, c’est de trouver du monde : « Cela se fait par le bouche-à-oreille. Il faudrait une plateforme sur laquelle les personnes intéressées pourraient s’inscrire, que nous pourrions facilement engager ».
Le pouvoir de la famille
Sa force, Georgina la trouve dans la famille. Une famille soudée, qui se tient les coudes face à l’adversité. Elle est presque gênée de l’aborder, en pensant à toutes ces mamans solos : « Quand je n’en peux plus parce que cela fait deux heures et demie que j’essaie de donner à boire à Julien, il y a quelqu’un pour prendre le relai ». Et lorsque la famille part en vacances, difficile de partir sans Julien ! « Mes autres enfants le réclament, ils ne veulent pas partir sans lui ! » On découvre une famille un peu fofolle. Elle se chambre, elle s’aime, elle se moque même avec bienveillance du handicap de Julien. Une famille rien de plus normal, au fond.
Il est midi. Julien rentre de l’école. Nous faisons connaissance avec ce jeune garçon au sourire espiègle. Il nous montre sa manière à lui de communiquer, à l’aide d’un programme installé sur sa tablette. Un système lui permet de sélectionner, grâce à un bouton rouge, les questions simples qu’il veut poser à son interlocuteur, de répondre et surtout d’exprimer ses émotions. Mais la présentation est terminée : Julien a faim. Et on ne laisse pas un ado affamé. « On est gâtés. C’est Julien qui nous gâte, c’est le Ciel qui nous gâte ! »
Entretien: Johanna Monney
Photo: Hugues Siegenthaler
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